Jeanne d’Arc (1412-1431)

Sainte de l’église catholique. Sainte de l’église anglicane ? C’est plus incertain. On peut dire qu’elle a connu un parcours atypique. Brûlée vive pour hérésie puis réhabilitée et élevée au rang de martyre. A titre posthume. Béatifiée en 1909 et canonisée en 1920. Si vous voulez bénéficier des mêmes petites promotions post mortem, il faudra que vous sachiez, vous aussi, vous montrer patients. Mais quand on aime, une fois de plus, on ne compte pas.

Guerre de Cent Ans (1337-1453). Ça faisait déjà un petit siècle que sous l’œil bienveillant de Dieu, Anglais et Français s’étripaient. C’est toujours pareil, les dirigeants de tous poils (rois, empereurs, monarques, présidents, dictateurs et autres) veulent, qui un peu plus de territoire, qui un peu plus de pouvoir, qui un peu plus d’oseille, et ça donne au bas peuple l’opportunité d’aller gaiement s’entretuer. Le pied ! Ce fut toutefois une guerre décevante par le nombre d’occis, lequel aurait été limité. Les rois, empereurs, monarques, dictateurs et autres de l’époque priaient avec ferveur pour qu’arrive au plus vite l’époque bénie du modernisme technologique qui permettrait de trucider le plus grand nombre au moindre coût.

Au début, Dieu se lassa rapidement car les choses s’éternisaient trop à son goût. Pour apporter un peu de sang neuf, il envoya ses bactéries Yesrsinia pestis à la rescousse. Et là, croyez-moi, avec ses seules armes bactériologiques, il eut la main lourde. Entre 1347 et 1352, environ 25 000 000 d’Européens le rejoignirent de façon quelque peu prématurée. La peste noire tua entre 30 et 50 % de la population européenne, ce qui laissa de l’espace vital à d’éventuels et futurs envahisseurs. Avec leurs bibelots chimiques, nos héroïques maréchaux de 14-18, les glorieux généraux US au Vietnam ou le misérable Saddam Hussein peuvent aller se rhabiller ! Les rois n’ayant toujours rien compris, un beau jour, Dieu se dit : merde, ça commence à bien faire, leurs conneries. Il prit une pièce de 5 sols. Pile : la France. Face : l’Angleterre. Pas de bol pour les Rosbifs, le sol retomba sur la tronche – l’effigie si vous préférez – de Charles V + II = VII. Il pointa son doigt au hasard sur une carte de l’époque et tomba sur Domrémy. Vous connaissez la suite.

Ce qui est marrant, c’est que les hommes demandent toujours à leur dieu de prendre partie. Pour eux, pas pour les autres. Même ceux qui aiment les autres comme eux-mêmes. En théorie. S’il s’agit d’hommes croyant en un autre dieu, ça peut s’comprendre. Comme on n’arrive pas à gommer les p’tites différences, on les élimine définitivement. Physiquement, c’est plus durable. Mais quand c’est le même dieu, pourquoi voudriez-vous qu’il favorise l’un ou l’autre ? C’est être bien prétentieux que d’imaginer qu’il puisse vous avantager au prétexte que ceci ou que cela. Péché d’orgueil. Avec ça, mon p’tit gars, vous êtes bon pour 20 plombes de purgatoire. Au moins.

Positivons. Vous n’avez certainement pas oublié le personnage de Candide de Voltaire et les Te deum (en fait Te Deum laudamus = Dieu, nous te louons), cette hymne que les deux rois faisaient chanter chacun de leur côté pour remercier Dieu (avec majuscule, cette fois) de leur avoir accordé la victoire : « Rien n’était si beau, si leste, si brillant, si bien ordonné que les deux armées. Les trompettes, les fifres, les hautbois, les tambours, les canons, formaient une harmonie telle qu’il n’y en eut jamais en enfer. Les canons renversèrent d’abord à peu près six mille hommes de chaque côté ; ensuite la mousqueterie ôta du meilleur des mondes environ neuf à dix mille coquins qui en infectaient la surface. La baïonnette fut aussi la raison suffisante de la mort de quelques milliers d’hommes. Le tout pouvait bien se monter à une trentaine de mille âmes. Candide, qui tremblait comme un philosophe, se cacha du mieux qu’il put pendant cette boucherie héroïque.
Enfin, tandis que les deux rois faisaient chanter des Te Deum chacun dans son camp, il prit le parti d’aller raisonner ailleurs des effets et des causes. Il passa par-dessus des tas de morts et de mourants, et gagna d’abord un village voisin ; il était en cendres : c’était un village abare que les Bulgares avaient brûlé, selon les lois du droit public. Ici des vieillards criblés de coups regardaient mourir leurs femmes égorgées, qui tenaient leurs enfants à leurs mamelles sanglantes ; là des filles éventrées après avoir assouvi les besoins naturels de quelques héros rendaient les derniers soupirs ; d’autres, à demi brûlées, criaient qu’on achevât de leur donner la mort. Des cervelles étaient répandues sur la terre à côté de bras et de jambes coupés.
Candide s’enfuit au plus vite dans un autre village : il appartenait à des Bulgares, et des héros abares l’avaient traité de même. Candide, toujours marchant sur des membres palpitants ou à travers des ruines, arriva enfin hors du théâtre de la guerre…/… »

Encore plus marrant, ce petit monde qui éprouve le besoin viscéral de se rattacher sans cesse à de prétendus symboles, lesquels sont toujours des victoires, jamais des défaites, on n’est pas maso à ce point. Y’a pas quelqu’un qu’a dit une fois, mais à mon avis, c’était pas un Belge cette fois « du passé, faisons table rase » ? Un illuminé, sans nul doute.
Saint Bol d’un côté et Saint Padebol de l‘autre puisqu’il y a un gagnant et un perdant et que celui qui semblait avoir gagné peut perdre au final. Et vice versa. Attention, il ne faut jamais verser dans le vice, lequel est un autre pêché mortel.

Le top du top vu une fois à la télé. Un cycliste sur piste, de nationalité que je ne révélerai pas pour ne blesser personne, qui se signe avant le départ. Dans les pays un peu ou beaucoup riches, les vedettes sportives ont remplacé les héros guerriers. Rien n’a heureusement changé dans les pays pauvres. Sinon, à qui pourrait-on refourguer les armes qu’on n’utilise plus. Je reviens à mon cycliste qui se dopait au Te Deum plutôt qu’à l’EPO. Avantage : c’est pas décelable. Son entraîneur lâche sa monture. Il se ramasse une pelle de première. Nouveau départ. Même signe ostentatoire, pour être sûr que Dieu le remarque. Même gamelle. Troisième tentative, qui fut la bonne. Mais notre héros fut largement dominé par son misérable adversaire. Pourquoi aurait-il fallu que Dieu (avé, avé, avé majuscule) dans son infinie béatitude le distinguât, le privilégiât, lui et pas les autres compétiteurs, et plus généralement parmi toutes ses ouailles ? Ne sommes-nous pas tous ses enfants, ne nous aime-t-il pas tous autant ? Moralité : y’en n’a pas. Une petite quand même : le vélo, ça se gagne avec les jambes, pas avec le bras.

(http://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_de_Cent_Ans, http://fr.wikipedia.org/wiki/Te_Deum, http://fr.wikipedia.org/wiki/Grande_Peste, http://fr.wikipedia.org/wiki/Jeanne_d%27Arc, http://www.etudes-litteraires.com/voltaire-candide.php)

PS : Je retrouverai sans doute un jour ou l’autre, bien planqué dans mon ordi, le bougre, le fait divers (toujours sans importance, les faits divers) qui évoquait des salariés US qui priaient pour éviter la fermeture de leur usine GM ou Chevrolet ou ??? Et moi, qui bêtement commentait : « Et pourquoi Dieu ne privilégierait-il pas plutôt Toyota ou Renault ? ». A la question que vous ne manquerez pas de me poser « Pourrais-je permuter selon mon humeur du moment ou selon mes affinités mécano-électroniques ? », comme je ne perçois aucun émolument d’aucune marque que ce soit, la réponse sera affirmative.

Les dieux sont avec moi et avec j’sais plus qui. Courriel du 10/12/2008 : « A Detroit (USA), les ouvriers de chez General Motors prient pour que Dieu leur vienne en aide. En France, l’usine Ford ferme ses portes pendant 10 semaines ; à la messe, les fidèles prient pour que Dieu leur vienne en aide. Imaginez que Dieu, facétieux, décide de venir en aide à Daewoo, Lada et Toyota… »

19/02/2012

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