Exemplarité

Il y a quelque temps déjà, un copain a été condamné à 6 mois ferme. Pour l’exemple. Mon propos ne sera point ici de disserter sur les raisons qui lui ont valu cette condamnation mais de m’interroger sur cette notion « d’exemplarité ».

Si j’avais assisté au procès, aurais-je pu intervenir ? Ma méconnaissance procédurière est telle que je ne sais même pas si c’est possible et mon auriculaire me souffle que je ne suis vraisemblablement pas le seul dans ce cas. J’ai simplement l’impression que tous ces gens qui se dissimulent derrière une robe et une toque d’hermine – synthétique ? Made in China ? – tiennent à préserver à tout prix leurs prérogatives et le pouvoir attaché à leur fonction. Je me méfie d’instinct de toute autorité et de toute obligation de « respect » liée à la fonction… Toujours est-il que si j’avais pu m’exprimer, j’eusse dit :

Si l’exemplarité existait, il suffirait, au sein de la famille, que les enfants voient leurs parents balayer, préparer la nourriture, faire la vaisselle, pour que, tout naturellement, ils éprouvent une folle envie de les imiter ;

Si l’exemplarité existait, il suffirait, dans l’école, que le professeur adopte un comportement vertueux pour qu’immédiatement les élèves traitent leurs enseignants et leurs coreligionnaires avec respect, pour que les chahuts disparaissent, pour qu’une ambiance chaleureuse et enjouée baigne toute cette gentille communauté ;

Si l’exemplarité existait, il suffirait, dans le monde policier-judiciaire-carcéral qui est le nôtre et plus particulièrement le vôtre, que les condamnations pleuvent sur les délinquants pour que les honnêtes citoyens perdent toute velléité d’embrasser à leur tour l’illégalité. La disparition de la délinquance n’est-elle pas le but ultime de tout homme de loi, à quelque niveau qu’il se situe ? Et, par effet boomerang, elle se traduirait aussi par la disparition de tout l’appareil policier-judiciaire-carcéral, et conduirait rapidement au chômage toute une kyrielle d’individus – dont vous-même – devenus parfaitement inutiles. A moins qu’on ne vous conserve pour l’exemple, pour que les générations futures se souviennent qu’il fut un temps durant lequel les délinquants et les juges sévissaient. *

La peine de mort, appliquée notamment aux USA, ** en Chine ou en Iran, a-t-elle réduit, enrayé, éradiqué la criminalité dans ces pays ? Pas que je sache. Mais comme le fait très justement remarquer mon fils, elle a au moins pour vertu de supprimer définitivement l’éventuelle récidive de tout condamné, qu’il ait été survolté, pendu, lapidé, décapité ou exécuté d’une balle dans la tête…

Alors, pour l’exemple, pour se faire plaisir, pour jouer pleinement son rôle, pour justifier sa fonction et, à travers elle, sa propre existence individuelle et sociétale ? (cf C.G. JUNG)

* sévir : 1. « se dit d’un fléau qui exerce ses ravages », 2. « exercer la répression avec rigueur » in Le petit Robert, édition de 1982, page 1 809.

** Pour l’exemple ?

« Le Monde » du 25/07/2014 rappelle opportunément – dans un article consacré à l’exécution plutôt nauséabonde d’un condamné à mort dans l’Arizona – que les USA figurent toujours dans le peloton de tête des pays qui considèrent que se débarrasser définitivement d’un condamné permet de dissuader d’autres délinquants potentiels de sombrer eux aussi dans la criminalité. Dissuasion et exemplarité, les deux fleurons de la justice nord-américaine dans une majorité d’états : 20 dans lesquels la peine de mort est toujours en vigueur, 13 où elle reste théoriquement le jugement suprême mais n’est plus appliquée (2 états depuis 1976, les 11 autres s’en dispensant depuis 8 à 22 ans) et 17 abolitionnistes. Le Texas, cher à George W. Bush, arrive très largement en tête du palmarès, avec 512 exécutions depuis 1976.

Résultat : avec 737,6 personnes incarcérées pour 100 000 habitants, les USA battent une fois de plus un record mondial. Loin devant des pays pourtant réputés peu « démocratiques » aux yeux des nord-américains, tels la Russie, Cuba, l’Iran ou la Chine. Bien loin devant la France qui plafonne à 87,9 pour 100 000 habitants. Et regorge de prisons surpeuplées… (cf Low cost Land of freedom)

Lançons une pétition pour que les laboratoires européens cessent d’urgence le boycottage de la vente de pentobarbital aux USA. Ces derniers doivent pouvoir tuer leurs condamnés à mort avec rapidité, efficacité, humanité et dignité !

15/12/2013, complété le 29/07/2014

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