Compétitivité & Pauvreté

Les stats ne révèlent jamais que ce qu’on y a mis. Et selon, les orientations politiques, les décideurs/ordonnateurs/demandeurs n’en retiennent bien souvent que ce qui fortifie leurs propres convictions. Certains rapports connaissent d’ailleurs un bien triste sort puisque devant eux s’ouvre une trappe dans laquelle ils se précipitent bêtement. Leurs conclusions risqueraient de désavouer ceux qui les ont commandés. C’est par contre un excellent outil de propagande, de manipulation et de formatage des cerveaux. Car, parmi l’électeur lambda, qui aura la curiosité, l’envie et… le temps d’aller comparer comment tel ou tel journal, par exemple « Le Figaro » ou « Libération », pris au hasard qui fait parfois bien les choses, rend compte d’une même analyse ?

Deux résultats cités par « Le Canard enchaîné » du 18/01/2012 :
1. « Le Figaro » du 12/01/2012 reprend les conclusions de l’institut « indépendant des pouvoirs publics » Coe-Rexecode (autrefois Rexeco, selon le « volatile », lequel souligne en revanche ses accointances avec le Medef), les salariés français travaillent 225 heures de moins que leurs homologues allemands. Monsieur Copé s’est empressé de saluer le travail de cet institut. Étonnant non ? Indécrottables Français, qui, alors qu’ils pourraient travailler plus pour… (refrain habituel), continuent à se tourner les pouces. Peut-être que les chefs d’entreprise de chez nous ne savent pas ou plus les séduire… Si un proche, une connaissance m’apprenait qu’il/qu’elle allait bosser pour France Télécom, je ne crierais certainement pas au miracle.

2. « Libération » du 06/12/2011, s’appuyant sur l’organisme européen de statistiques « Eurostat », dévoile que le salarié bien d’cheux nous trime 36,6 heures/semaine tandis que son collègue outre-Rhin se contente d’un petit 34,5 heures/semaine. Ben, merde alors, si eux non plus ne foutent rien, l’Europe est mal barrée !

3. Soyons fous ! Pour le même prix, je livre à votre sagacité habituelle une 3ème stat : le Français a une productivité de 42,60 €/heure, l’Allemand de SEULEMENT 36,80 €/heure (entendu à la télé, sans doute le 10/01/2012, sur A2 ou FR3, chiffres recopiés en vitesse sur le programme).
Alors, qui c’est qu’utilise le plus de crème à bronzer, qui sirote gentiment sa grenadine au coin du feu, l’Allemand ou le Français ? N’aurais-je point lu quelque part que le Grec travaillait encore bien plus que ces paresseux ? Et ben si : le même « Canard » parle de 2 119 heures/an pour l’Hellène, juste derrière le Sud-Coréen !!!! Ne nous y trompons pas, l’Hellène, c’est pas la tante du mari de votre belle-sœur. Elle, c’est Hélène. L’Hellène en question, il a beau travailler comme un naze, enfin celui qu’a du boulot, il est dans la merde et avec ce qu’on lui a concocté, il n’est pas près de s’en sortir ! Il est sûr de s’y enfoncer de plus en plus.

Vous commencez à comprendre le truc ? Plus on s’renseigne, moins on pige ! On ne va pas vous expliquer que ça dépend si on prend ou non en compte le travail à temps partiel. Si, vous y tenez vraiment ? A 0h52, j’hésite. Vous insistez. OK, on y va. Enfin, vous y allez, moi c’est déjà fait, merci.

Je vous ai concocté un menu de choix. En entrée, extraits d’un rapport de la Cour des comptes de Mars 2011. Comme plat de résistance, extraits d’un article du « Figaro » du 19/02/2010 (merci de saluer cette admirable ouverture d’esprit, peu courante dans notre monde de brutes). Et un petit commentaire perso en dessert. C’est comme les repas de mariage, long et parfois chiant. Mais pas toujours inutile avant la nuit de noce. Si j’ai bien compris, pour conserver sa compétitivité, faut pas augmenter les salaires, il faut « modérer » leur hausse. Ce faisant, on accentue la pauvreté mais comme dirait en substance Ma très lumineuse Deleine (Madeleine Albright. A 01h37 et des poussières, je me permets de m’auto-pardonner), on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs. Puisqu’on ne peut pas les payer plus, y zont qu’à travailler plus s’ils veulent continuer à vivre comme avant, ces cons ! Enfin, s’ils trouvent du boulot. Et s’ils n’en trouvent pas, c’est qu’ils n’en cherchent pas. Ou pas bien. Et puis, il faut qu’ils acceptent n’importe quoi s’ils veulent pas qu’on les flagelle. Ça vous rappelle quelque chose ?

¤¤¤ L’entrée des artistes
Rapport de la Cour des comptes de Mars 2011.

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« Cette amélioration continue (du taux de chômage allemand NDR) en dépit de la crise est à mettre en rapport avec les évolutions respectives du coût du travail et la politique menée en Allemagne, qui a consisté notamment à accroître significativement la participation au marché du travail, et en période de crise à recourir massivement au chômage partiel…/…
Ces évolutions ont conduit à une hausse très importante du taux d’emploi des 55-64 ans, de 37,6 % en 2000 à 56,2 % en 2009 (contre 38,9 % en France). Le taux d’emploi des 15-24 ans est beaucoup plus élevé en Allemagne du fait de la forte proportion de jeunes en apprentissage (46,2 % contre 31,4 % en France), de même que le taux d’emploi des femmes
(66,2 % contre 60,1 % en France)  10…/…
10 Si le taux d’emploi des femmes de moins de 30 ans est bien supérieur en France, le taux d’emploi des femmes de plus de 30 ans est comparable dans les deux pays, ce qui est contraire aux idées reçues. La mesure du taux d’emploi féminin allemand pourrait cependant être biaisée : il semblerait que les femmes allemandes en congé maternité soient décomptées dans la population employée, alors qu’elles sont hors emploi en France, conformément aux conventions statistiques en vigueur.
Le temps partiel s’est beaucoup développé en Allemagne : il a augmenté de 6,7 points depuis 2000, et représentait en 2009 26,1 % de l’emploi total. Cette évolution s’explique conjoncturellement, pour l’année 2009, par le recours massif au chômage partiel (Kurzarbeit  11) : le nombre de chômeurs partiels est passé de 130 000 en novembre 2008 à 1,25 million au printemps 2009. L’évolution du temps partiel en Allemagne s’explique surtout sur le plan structurel par le développement des minijobs 12 depuis 2004 : à la différence des salariés à temps plein, dont la durée de travail hebdomadaire moyenne en 2009 est légèrement plus longue en Allemagne qu’en France (respectivement 41,2 heures et 40,9 heures), les salariés à temps partiel allemands ont une durée de travail sensiblement plus courte que celle des Français (15,9 heures contre 19,5 heures)…/…
Les données 2009 et 2010 ne sont pas toutes disponibles, mais leur analyse ne semble pas devoir apporter d’enseignement supplémentaire : la part des salaires dans la valeur ajoutée a fortement remonté en effet en France comme en Allemagne, du fait d’une très importante diminution du PIB dans un contexte de crise économique et du maintien de la masse salariale. Toutefois, ces évolutions sont transitoires et ne permettent pas de tirer des conclusions…/… »
11  Ce dispositif permet de réduire la durée du travail d’un employé jusqu’à 50 %, en contrepartie d’une baisse du salaire à due concurrence. L’agence pour l’emploi allemande compense une partie de cette réduction salariale à l’employé (jusqu’à 30 % de la baisse). Pendant la crise, les partenaires sociaux ont négocié l’allongement de la durée de ce dispositif de 6 à 24 mois.
12  Il s’agit d’emplois de 60 heures mensuelles au plus, rémunérés 400 euros par mois, exonérés de charges sociales. Plus d’un million de salariés occuperaient un tel emploi.

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a) Le coût salarial horaire
Plusieurs sources peuvent être utilisées pour mesurer le coût salarial horaire et réaliser des comparaisons internationales. Il s’agit notamment des comptes nationaux, des enquêtes annuelles d’entreprise et des enquêtes sur le coût de la main d’oeuvre et la structure des salaires.
Les estimations du coût salarial horaire sont assez différentes selon la source utilisée. En France et dans l’industrie manufacturière, secteur le plus exposé à la concurrence internationale, elles sont ainsi comprises entre 26 et 33 € en 2008. En Allemagne, la fourchette est de 30 à 33 €.
Compte-tenu de ces incertitudes, les niveaux de coût dans l’industrie peuvent être considérés comme proches dans les deux pays. Ils sont un peu plus élevés en France dans les services marchands, qui sont en moyenne moins exposés à la concurrence internationale mais peuvent être utilisés par l’industrie et contribuer à sa compétitivité.
Ces comparaisons des niveaux de coût salarial moyen doivent aussi être prises avec précaution parce qu’elles peuvent masquer des écarts importants dans certains sous-secteurs ou pour certaines catégories d’emplois.
Il est plus pertinent pour analyser le coût salarial horaire en France et en Allemagne d’en comparer les évolutions dans la période récente. Les deux principales sources utilisées pour faire des comparaisons internationales donnent en la matière des résultats très proches s’agissant de l’industrie manufacturière sur les années 2000 à 2008. La croissance du coût salarial horaire y a été en moyenne annuelle de 3,4 ou 3,5 % en France, selon la source, et de 2,1 ou 2,2 % en Allemagne.
Il est donc certain que l’évolution des coûts salariaux horaires a été défavorable à la compétitivité de la France sur la période 2000-2008. Dans l’industrie manufacturière, leur croissance a en effet été supérieure d’environ 10 % en France sur l’ensemble de cette période, soit d’un peu plus d’un point par an (14 % dans les services marchands)…/…
Cet écart tient pour plus de 80 % à la modération salariale qui a caractérisé l’économie allemande sur cette période et qui a été exceptionnelle en Europe. La croissance du coût salarial horaire de l’industrie manufacturière a en effet été quasiment la même en France et dans les autres pays de la zone euro hors Allemagne.
Deux considérations relativisent toutefois l’ampleur de cette modération salariale. D’une part, elle fait suite à une décennie de forte hausse des salaires, imputable à la réunification, et il s’agit pour une grande partie d’un mouvement de correction. Sur l’ensemble des années 1991 à 2008, la croissance du coût salarial horaire dans l’industrie a été du même ordre (3,5 % par an) en France et en Allemagne…/…

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2 – La réduction des inégalités : des évolutions divergentes dans la période récente.
Que l’on s’appuie sur des données Eurostat ou sur l’étude de l’OCDE Growing Unequal, les inégalités de revenu après redistribution sont aujourd’hui comparables en France et en Allemagne et se situent à un niveau inférieur à celui de l’Union européenne.
La période récente a donné lieu à des évolutions contrastées. Une importante transformation s’est produite : alors que les écarts de revenus étaient moins importants en Allemagne qu’en France en 2000, la situation s’est inversée à partir de 2006 avant que les deux pays ne convergent vers des niveaux très proches en 2009. Le coefficient de Gini est ainsi resté stable en France sur la période, alors qu’il a augmenté de 20 % en Allemagne, traduisant l’augmentation des inégalités de revenu dans ce pays.
Concernant les très hauts revenus, de récents travaux font apparaître que leur part dans le revenu global serait supérieure en Allemagne. Dans ce pays, les 1% percevant le plus haut revenu bénéficiaient de 11,1 % du revenu global en 2005, contre 8,2 % en France, et les 0,1 % percevant le plus haut revenu percevaient 4,4 % du revenu global, soit deux fois plus qu’en France (2,2 %).
S’agissant des indicateurs de mesure de la pauvreté, France et Allemagne ont connu des évolutions contraires en ce qui concerne le taux de pauvreté relative qui, depuis 2000, a augmenté au sein de l’Union européenne. S’il reste en Allemagne inférieur au niveau moyen de l’Union européenne à 27 (16,3 %), il a augmenté de moitié, passant de 10 % en 2000 à 15,5 % en 2009. Sur la même période, il a été réduit en France, passant de 16 % en 2000 à 12,9 % en 2009. L’écart entre les deux pays s’est donc à la fois inversé et réduit à 2,5 points.
S’agissant de la pauvreté au travail  37, les situations sont aujourd’hui proches. Le taux de travailleurs pauvres a augmenté en Allemagne (de 4 % en 2000 à 6,8 % en 2009), tout en restant inférieur à la moyenne de l’Union européenne à 27 (8,6 % en 2008). En France, la pauvreté au travail est passée de 7 % en 2000 à 6,7 % en 2009, et est désormais identique au niveau allemand.
Les indicateurs disponibles semblent montrer que la pauvreté a eu plutôt tendance à augmenter en Allemagne depuis 2000, alors qu’elle a été légèrement réduite en France, cette diminution n’ayant cependant pas bénéficié aux travailleurs pauvres. Ces tendances s’expliquent moins par l’évolution des prélèvements obligatoires que par celles intervenues sur le marché du travail en Allemagne d’une part, et le caractère redistributif des transferts sociaux en France d’autre part.
37  Au sens d’Eurostat, le taux de pauvreté au travail désigne le nombre de personnes travaillant mais vivant avec un revenu, après transferts sociaux, inférieur à 60 % du salaire médian.
(http://www.ccomptes.fr/fr/CC/documents/RPT/Rapport_prelevements_fiscaux_sociaux_France_Allemagne_04032011.pdf)

¤¤¤ Le plat de résistance (à l’oppression ?)
« La pauvreté gagne du terrain en Allemagne » (à la loterie ?). Avec en sous-titre : « Une personne sur sept dispose de moins de 60 % du revenu médian dans le pays le plus riche d’Europe. »
« Le nombre de pauvres ne cesse d’augmenter outre-Rhin. Tel est le constat alarmant tiré par l’Institut de recherche économique allemand (DIW). «Ce sont surtout les jeunes adultes et les enfants qui sont touchés», précisent les auteurs du rapport, Joachim Frick et Markus Grabka. Vingt ans après la chute du Mur, l’ex-Allemagne de l’Est reste aussi plus vulnérable : 19 % de sa population vit sous le seuil de 965 euros pour une personne seule, contre 13 % dans les Länder de l’Ouest.
Selon les critères retenus par l’OCDE, sont considérées comme pauvres les personnes qui ne touchent que 60 % du revenu médian, soit 1 943 euros pour une famille avec deux enfants. Pour les moins de 25 ans, les temps sont durs : un quart d’entre eux en Allemagne est pauvre. Avec des conséquences importantes, liées aux difficultés à finir ses études, donc à trouver un travail. Or le chômage reste la principale raison de la chute dans la pauvreté, souligne le DIW.
Le chômage, mais aussi l’impossibilité de retourner travailler. Le rapport met le doigt sur une spécificité allemande : le faible taux d’emploi à temps plein des femmes avec des enfants. «Il faut mettre l’accent sur la prise en charge des jeunes enfants», insistent les auteurs. Outre-Rhin, seuls 15 % des enfants de moins de 3 ans trouvent une place en crèche, ce qui oblige beaucoup de mamans à rester à la maison. Une situation délicate lorsque le père seul travaille et qui devient insupportable lorsque la mère est isolée : «Les familles monoparentales sont largement surreprésentées, avec 40 % d’entre elles directement menacées par la pauvreté.» La pauvreté augmente également avec le nombre d’enfants, malgré les aides accordées par l’État depuis 2005 à partir du premier enfant…/…
Le plus surprenant est sans doute l’augmentation du nombre de pauvres, qui est passé de 8 à 11,5 millions de personnes en dix ans. Ceci alors que l’Allemagne est un des pays où l’aide sociale est la plus présente, malgré les réformes très décriées du gouvernement Schröder en 2000…/… »
(http://www.lefigaro.fr/international/2010/02/19/01003-20100219ARTFIG00522-la-pauvrete-gagne-du-terrain-outre-rhin-.php)

¤¤¤ Le dessert
Insurgés. Les insurgés, film américain récent, de Edward Zwick. Pour moi, un inconnu non illustre. Vu ce soir (22/01/2012) sur A2. Je supporte pas qu’on dissèque un film, avec une pub en plein milieu. Œuvre forte, amoindrie par un déluge de bons sentiments, qu’il disait le programme. Je suis un vieux sentimental, j’aime bien les œuvres amoindries. En tout cas, celle-ci m’a réconcilié avec l’espèce humaine. Faut croire que j’étais fâché avec. Avant.
02h10. Je raccroche.
Ultime précision à une heure plus décente : se réconcilier avec l’espèce humaine en visionnant un film dans lequel des gens s’entretuent, ça peut paraître étrange. C’est ainsi pourtant. Le programme en question (téléZ pour ne pas le citer. C’est au ras des pâquerettes, j’en conviens, mais ça donne les programmes, ce qui n’est déjà pas si mal, et surtout, ça m’évite de « perdre » 2 h en lisant tout un tas de trucs qui m’intéresseraient dans un autre plus riche en informations diverses et variées), le programme donc, précise que 800 000 juifs biélorusses ont été massacrés par les nazis et leurs alliés, soit 90 % de la communauté juive qui vivait en Biélorussie.

23/01/2012

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