Gauloises

Lorsque j’ai en face de moi un quelconque quidam affublé d’un titre de noblesse acquis je ne sais comment, ce dont au demeurant je me fous républicainement, j’aime à dire que mon origine à moi est probablement Gauloise – ce que mon lieu de naissance me permet d’imaginer – mais que je descends très vraisemblablement de ma chaise pour ce qui concerne le moment présent et si je m’ingénie à remonter le temps, des Gauloises donc, et plus avant de Cromagnon, et plus avant encore peut-être aussi de Néandertal et plus avant encore de Lucie. Prétendre que j’en descende en lignée directe serait sans doute présomptueux. Mais qui sait. Il faudra que je compare nos photos, face et profil.

Chacun descend de ce qu’il peut, un certain député de son perchoir. Le perroquet aussi. Après son prêche, le prêtre descend de sa chaire, laquelle est faible ainsi que chacun le sait.

Mais pourquoi diantre me suis-je égaré de la sorte ? Je désirais vous entretenir de la Gauloise certes, non celle de mes présumées origines mais celle que j’ai fumée avec assiduité pendant une dizaine d’années. Deux paquets par jour. La Gauloise, le béret et la baguette, trois symboles de la profonde France. Que viens-je d’apprendre ? Souvenez-vous : il y a 16 ans, la Seita (ex-Régie nationale des tabacs et allumettes) était rachetée par une boîte espagnole elle-même ultérieurement phagocytée par l’anglaise Imperial Tobacco. Laquelle vient de décider de fermer les deux derniers ateliers tricolores qui fabriquaient encore ce fleuron de la culture hexagonale. Avec 400 futurs chômeurs de plus. Tout fout le camp écrivis-je autrefois dans un autre texte que je ne parviens pas à retrouver. Tout fout le camp, même les Gauloises.

« Le Canard enchaîné » du 07/12/2016

19/12/2016